Du deuil à la violence

Ce que nous avons vécu au mois de juin 2023, nous a tous bouleversés, d’abord le décès du jeune Nahel qui nécessite de la sérénité et le temps de l’instruction judiciaire, et de l’autre, l’expression partie d’un deuil, d’une colère et qui s’est transformée en un déchaînement de violences avec des scènes de pillage, de destruction d’établissements publics, de Mairies, d’écoles, de commissariats, de bureaux de Poste, de commerces et de biens privés, mais aussi d’agressions d’élus, de nos forces de l’ordre ou de nos pompiers.

Aucune émotion, aucune colère ne peut justifier de tels agissements qui laissent aujourd’hui, après plusieurs nuits d’une rare violence, des quartiers abimés, des services publics détruits – la mairie de quartier du Grand Parc notamment, le travail d’une vie anéanti pour des commerçants indépendants, et ce goût amer que les efforts faits depuis des décennies notamment par des élus de tout bord et engagés, d’acteurs associatifs, d’agents publics, sur ces quartiers sont réduits à néant. Nous avons une pensée et de la reconnaissance aussi pour nos forces de l’ordre, policiers nationaux et municipaux, gendarmes, services de pompiers et de secours, agents municipaux et métropolitains, médiateurs et éducateurs qui ont été mobilisés et pour certains, blessés dans l’exercice de leurs missions.

Ce que nous avons vu, ce sont des actes criminels parfois commis par de jeunes mineurs et qui doivent être sans équivoque condamnés avec force.

Beaucoup a été fait, beaucoup reste à faire

Maintenant il nous faut réagir, bien sûr panser les plaies et reconstruire au plus vite, accompagner notamment celles et ceux qui ont été touchés directement par les destructions comme nos commerçants – et qui ont besoin d’actions rapides pour redémarrer au plus vite, il faut aussi tirer toutes les conclusions sans naïveté aucune sur la situation de ces quartiers.

Sans sombrer dans le misérabilisme ni la caricature des discours que nous avons entendus sur la réalité de ces quartiers, il faut souligner les efforts importants des politiques menées en terme de rénovation urbaine, de politique pour favoriser l’emploi et l’insertion, en terme de politique de réussites éducatives, de l’engagement des collectivités locales qui ont accompagné par l’investissement la réalisation d’équipements, en terme de désenclavement sur les mobilités, en terme d’accompagnement socio-éducatif. Un certain nombre de ces politiques ont porté leurs fruits, le taux de chômage a baissé de 5 points en 5 ans même s’il reste plus haut que la moyenne, les dédoublements de classes et la mise en place des cités éducatives commencent à porter leurs fruits, la rénovation urbaine a donné un autre visage à ces quartiers, mais il reste beaucoup à faire et tout cela prend du temps, trop de temps.

Un choc de la République

Au choc des images et de la violence, il faudra répondre par un choc de la République :

  • En assurant la sécurité et la lutte contre les trafics qui pourrissent la vie quotidienne des habitants
  • En renforçant encore d’avantage les moyens allouées à l’éducation prioritaire et se pencher sans attendre, après les efforts considérables fait au niveau élémentaire, sur le collège
  • En portant plus fort encore le combat de la laïcité et de la lutte contre les séparatismes et en ne fermant pas les yeux sur les replis communautaristes,
  • En luttant contre les discours politiques haineux d’extrême droite et ceux de l’extrême gauche appelant à l’insurrection et pour certains élus d’extrême gauche dans l’incapacité de dénoncer le violence et d’appeler au calme voire pire appeler à aller piller les commerces
  • En aidant et protégeant d’avantage les élus dans l’exercice de leur mandat pour qu’il n’y ait aucun territoire où l’autorité publique ne puisse s’exercer

Un choc de proximité

Il faudra aussi un choc de proximité :

  • En cassant la spirale de non mixité sociale que la rénovation urbaine n’a pas permis de résorber. Il faut agir fort pour rééquilibrer dans nos villes la répartition des logements sociaux car il n’est pas normal que certains quartiers en concentrent 80 % là où certains n’arrivent même pas à 5 %
  • En redonnant à ces quartiers le même niveau de service public en terme de sécurité, de propreté, d’entretien des espaces verts, d’entretien des bâtis par les bailleurs sociaux, pour sortir de ce sentiment de citoyens de seconde zone
  • En installant des Maison France Services dans chacun de ces quartiers, comme aux Aubiers et en allant vers les publics les plus précaires
  • En installant des commissariats mixtes, regroupant Polices municipale et nationale, et en renforçant l’ilotage d’équipes de policiers et médiateurs au contact des habitants pour retisser le lien
  • En travaillant sur la parentalité pour que l’autorité et la responsabilité parentale puissent s’exercer pleinement, y compris pour les familles les plus en difficulté
  • En s’appuyant sur l’indispensable coopération de l’État, des collectivités et des associations sans jamais se laisser aller au renvoi des responsabilités des uns sur les autres

Ce n’est que par ce choc de la République et ce choc de proximité que nous pourrons fixer un cap clair et réinventer une autre façon d’agir pour ces quartiers et retrouver la cohésion sociale. C’est accepter un travail difficile, de longue haleine, mêlant toutes les politiques publiques, loin du mirage du remède miracle et des effets de manche et des invectives qui caractérisent hélas aujourd’hui notre débat public et qui ne répondent en rien aux problèmes concrets auxquels nous sommes collectivement confrontés.

Groupe Renouveau Bordeaux
Thomas Cazenave, Catherine Fabre, Anne Fahmy et Aziz Skalli